Politique

[Côte d’Ivoire Disparition de Sangaré Aboudramane] Le journaliste, Fernand Dédeh, raconte l’homme


‘’Sangaré Aboudramane est le symbole achevé de loyauté et de fidélité’’

La mort de Sangaré Abou Drahamane ce samedi 3 novembre 2018 a surpris et choqué plus d’un. La mort d’un être cher, d’une personnalité marquante de l’histoire du pays, peu importe son âge, est toujours un moment de déchirement intérieur pour ses parents biologiques mais aussi pour tous ceux qui l’ont connu, côtoyé ou même simplement observé.

Tous les témoignages convergent: Sangaré Aboudramane est le symbole achevé de loyauté et de fidélité. Ses amis politiques comme ses opposants sont d’accord sur ce fait. Les militants du Front populaire ivoirien l’appelaient à juste titre, « le gardien du temple », le temple de leur parti.

Un ami magistrat, directeur de cabinet d’un ministre aujourd’hui, a l’habitude de me citer une phrase-culte de celui que Laurent Gbagbo appelait « mon jumeau ». Le frère-jumeau que sa mère ne lui a pas donné.

« Le numéro 2 dans un parti ou dans une structure est le poste le plus difficile à tenir. S’il en fait trop, on le soupçonne de viser la place du chef. S’il ne fait rien, on le soupçonne de préparer un coup contre le chef. » Sangaré était le parfait numéro deux. Ni trop fort. Ni trop peu. Il a donné toute sa noblesse à cette place.

J’ai personnellement débuté ma carrière au groupe ‘’Le Nouvel Horizon’’. Il ne me souvient pas avoir rencontré l’homme. Il en était pourtant le directeur de publication. Un seul souvenir me revient, une note orale de félicitations m’a été adressée par le chef Raphäel Lakpé, de la part du directeur de Publication un jour… Sangaré Aboudramane avait été invité à l’émission « 5×3 » de Eugène Kacou, à la RTI. J’en avais rendu compte. Le directeur des rédactions m’a dit « Tu as les félicitations de Sangaré Aboudramane. Il dit que ton compte-rendu est fidèle. »

Le prisonnier permanent… « Afakaya… ». J’ai cependant observé un homme qui allait régulièrement en prison pour les écrits des journalistes… Aujourd’hui, je peux écrire qu’il répondait aux convocations de la brigade de recherches, « avec froideur et lucidité». Il était toujours le premier convoqué, gardé à vue avant le journaliste, auteur du papier. Mais jamais, le directeur de publication ne s’est dérobé. Il savait que le poste qu’il occupait lui ouvrait les portes de la prison. Il assumait. Il a fait évoluer la loi sur la presse. C’était sa part de combat pour les libertés démocratiques. Et même quand le journal satirique du groupe, Bolkotch, emploie l’expression « Afakaya » et qu’il est convoqué par le ministre de la Sécurité de l’époque, il est resté stoïque. Il savait prendre les coups pour protéger ses journalistes.

Personnellement, à l’observer de loin, j’ai toujours conclu qu’il était impénétrable. Froid. Distant. Mais un homme de convictions. Intransigeant sur les principes.

En septembre 2011, il est incarcéré dans la prison de Katiola avec quatre autres proches de Laurent Gbagbo, au nombre desquels, Kuyo Téa Narcisse. Le chef de cabinet de l’ancien président est par ailleurs, président de l’Africa Sports d’Abidjan. Sidy Diallo est candidat à la présidence de la FIF aux forceps. Le monde du football est contrarié. Je propose à Sidy Diallo de montrer à la communauté nationale que les valeurs du Sports transcendent les clivages politiques: il doit aller saluer Kuyo Téa Narcisse pour briser la glace des méfiances dans le pays et montrer la voie de la réconciliation. Il accepte. Il entreprend les démarches. Quand nous pénétrons la prison civile de Katiola, je découvre des hommes et une femme, affaiblis à vue d’œil, mais mentalement forts. Sangaré Aboudramane reste égal à lui-même: dans son coin. Il est resté en cellule. « Ce n’est pas lui que nous sommes allés voir », se disait-il.

Sangaré part. Il a sacrifié sa santé au profit du combat politique. Sur sa tombe, ses parents devraient marquer en lettres d’or « Ici, ait un homme d’honneur, un homme loyal et fidèle, aux convictions inoxydables! »

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