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[Côte d’Ivoire Constitution de 2016] Accusés parlez !


Abidjan, le 11-08-2020 (lepointsur.com) Le samedi 7 mai 2011, lors de la cérémonie de prestation du président Alassane Ouattara, le professeur Paul Yao-N’dré, a reconnu devant le nouveau locataire du palais présidentiel de Côte d`Ivoire que la majorité présidentielle, au pouvoir conduite par Laurent Gbagbo et l’opposition  avec à sa tête Alassane Ouattara n’ont pas voulu entendre raison: ‘’Satan nous a possédés tous’’, a-t-il révélé. Le professeur du Conseil constitutionnel plantait ainsi le décor macabre de la guerre fratricide qui avait fait officiellement 3000 morts.

Neuf ans après, le démon habite encore les Ivoiriens. La Côte d`Ivoire vit une paix précaire, le mal rode partout. L’opposition n’a pas confiance en la loi fondamentale parce que frappée par une véritable ‘’incongruité textuelle’’ dans l’application de certains articles. L’opposition a toujours dénoncé l’admission de certains articles de la constitution de 2016, qui n’ont été rendus possible que par le jeu des manipulations politiciennes à des fins inavouées. Tant, le ministre de la justice, Sansan Kambilé, le constitutionaliste Cissé Bacongo et bien d’autres proches du président Alassane Ouattara (qui avaient fait une campagne médiatique sur le fait que la constitution actuelle ne lui permettait de briguer un 3e mandat), prennent un virage à plus de 180°.

L’annonce officielle de la candidature de celui-ci le 6 août 2020, à moins de trois de la présidentielle, réveille le concept tout à la fois ‘’absurde’’ et ‘’inique’’ de cette constitution 2016, et remet sur la table, la constitution contestée de 2000 dont la finalité a mis le feu aux poudres en Côte d’Ivoire.

Comme si c’était hier, le repenti de l’ex-président de la Cour suprême, Tia Koné, qui, depuis Gbagbégouiné, dans le département de Biankouma, le samedi 9 février 2013, affirmait que ‘’la constitution de 2000 comporte en son sein les germes d’une pernicieuse opposition des populations susceptibles de ruiner l’équilibre et l’harmonie nationale’’ fait rage. Or, par devoir de conscience, il avait décidé de revenir sur l’arrêt N° E0001-2000, rendu par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de Côte d’Ivoire en son audience du 6 octobre 2000 qu’il présidait ‘’dans le souci de lever tous les malentendus que ladite décision n’a pas manqué, en son temps et même encore aujourd’hui, de susciter dans le pays.’’

‘’Aujourd’hui, ces experts se sont enfermés dans un mutisme frappé du sceau de la confidentialité. Pourtant, les larves brûlantes de la nouvelle Constitution coulent lentement vers la déstabilisation de la Côte d’Ivoire, leur pays’’.

Ce jour-là, le magistrat hors hiérarchie avait conseillé la mise en place d’un comité de réflexion et de réforme constitutionnelle pour l’entame de l’importance tâche de recherche  d’entente globale entre tous les Ivoiriens. En cause, les magistrats avaient relevé que ce texte était ‘’perfide’’ et ‘’mauvais’’. En l’appliquant par devoir de juge, ils ont reconnu qu’ils ont ‘’méconnu’’ la constitution dans sa disposition essentielle dans l’espoir que l’avenir permette d’en relever les aspérités en vue d’en aplanir les mordants. « Dans cette perspective, la loi à intervenir devra éviter la confusion, malheureusement faite par l’ancienne entre la qualité pour agir, qui est essence inné de la capacité pour agir qui, elle, est acquise. De sorte que si la seconde pouvait s’accommoder de toute restriction contingente opportune, la première ne soit soumise au seul principe d’égalité parfaite entre tous les citoyens», proposait Tia Koné. Malheureusement, cela n’a pas servi de leçon. La fracture sociale enregistre déjà ses premières conséquences en Côte d`Ivoire. Elle se prolonge et se propage avec des voix discordantes.

Malgré les polémiques, Alassane Ouattara a confié la présidence du comité d’experts chargé de rédiger la nouvelle Constitution au professeur Ouraga Obou. Aujourd’hui, ces experts se sont enfermés dans un mutisme frappé du sceau de la confidentialité. Pourtant, les larves brûlantes de la nouvelle Constitution coulent lentement vers la déstabilisation de la Côte d’Ivoire, leur pays.

‘’Sûrement comme Yao N’Dré et Tia Koné, ils se repentiront du mal contenu dans la loi fondamentale qui ne doit pas être source d’interprétation, mais doit s’imposer aux différents candidats à une élection en Côte d’Ivoire.’’

Ils observent avec un regard complice le danger qui profile à l’horizon. Sûrement comme Yao N’Dré et Tia Koné, ils se repentiront du mal contenu dans la loi fondamentale qui ne doit pas être source d’interprétation, mais doit s’imposer aux différents candidats à une élection en Côte d’Ivoire.

À moins de trois mois de la présidentielle, le pire, cette fois-ci,  se prépare sous nos yeux. Outre la contestation de la candidature d’Alassane Ouattara par une partie de la population qui, par petits groupes érigent des barricades sur des voies pour manifester leur mécontentement, elle demande au pouvoir de faciliter le retour de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire ainsi que l’inscription de leur nom sur la liste électorale provisoire. Cette requête touche Guillaume Soro en exil en Europe. La tension reste vive avec les prisonniers de droit commun, les proches de Guillaume Soro détenus un peu partout dans différentes prisons en Côte d’Ivoire.

À l’opposé, le parti au pouvoir murmure sur l’âge du président du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié (86 ans), qui tient vaille que vaille à sa candidature pour la présidentielle. Le Premier ministre, ministre la Défense, Hamed Bakayoko, bien qu’étant du pouvoir, a entrepris des démarches de dialogue tant auprès de l’opposition, que son parti pour faire baisser la tension.

L’heure est grave. La quête inexorable d’harmonie et d’équilibre social, voire de réconciliation nationale, a mis sous l’éteignoir l’aspect pernicieux de notre loi fondamentale, qui est l’un des points d’achoppement du clivage de nos populations. Le peuple retient son souffle et les constitutionnalistes la ferment.

Sériba Koné

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