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Conflit foncier aux alentours du Cavally : une aubaine pour l’Etat de récupérer la forêt classée du Goin-Débé #OccupationIllégale


Blodé Ziakon Alvares, le président de la jeunesse départementale de Taï. (Ph: Le Point Sur)

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 1er-11-2017) De l’étendue des 236.000 hectares qu’elle présentait lors de la décision pour l’ériger en espace protégé, il ne reste plus de la forêt classée du Goin-Débé que des plantations de cacao, propriétés des allochtones Baoulé et étrangers Burkinabè, au détriment des autochtones Wê considérés comme les gardiens de cet héritage foncier. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?

A l’origine de cette situation qui laisse couver le feu et souvent source de conflits dans cette partie de la Côte d’Ivoire, des installations anarchiques et illégales, à la faveur de la crise militaro politique ponctuée par l’occupation de l’Ouest de la Côte d’Ivoire par les forces rebelles de 2002 à 2011. Il a suffi neuf années aux occupants illégaux pour qu’au grand dam de ses gardiens, cet important massif forestier soit défriché de fond en comble et transformé en plusieurs plantations de cacao.

« La forêt classée de Goin-Débé abrite plusieurs campements dont les plus grands, Galilée et Koffikro, sont les lieux privilégiés de transit d’où partent les planteurs clandestins pour aller défricher des parcelles dans la forêt classée du Cavally », révèle Blodé Ziakon Alvares, le président de la jeunesse départementale de Taï, au cours d’un entretien dans une plantation de cacao située dans cette forêt classée. Il regrette qu’au moment où les autorités demandent aux riverains de toujours préserver la forêt classée du Cavally, des personnes venues d’ailleurs viennent l’occuper sans la moindre inquiétude. Dans la foulée, il dénonce une mafia organisée et entretenue par d’anciens combattants qui, selon Blodé Ziakon Alvares et bien d’autres personnes, considèrent cette forêt comme leur butin de guerre. Il s’agit notamment des sieurs Tongodogo, Kaboré, Salam et le nommé Zongo.

Tahi Gaspard, chef central de Zagné, lors d’un entretien en 2016. (Ph: Le Point Sur)

« Le gouvernement ne nous dit pas la vérité, lorsqu’il s’agit de voter, nous ne sommes pas des clandestins. Pendant la période des élections, nous faisons l’objet de récurrentes cours des hommes politiques de la région. Mais une fois que ce temps-là est passé, nous devenons des clandestins », regrette Koffi Yao Michel. Très remonté contre les autorités politiques, il soutient qu’il existe bel et bien des bureaux de vote dans les campements de Galilée, Ipoukro, Konankro, Koffikro, Princekro et Cité.

LA CINGLANTE REPONSE DES GARDIENS AUX OCCUPANTS ILLEGAUX. Las de voir des populations étrangères prospérer à partir de leur patrimoine forestier, les riverains des forêts classées du Goin-Débé et du Cavally n’entendent plus se laisser distraire par les mesures de protection après que la forêt classée du Goin-Débé a fait l’objet d’une razzia sans pareille à leur nez. Là-dessus, Tahi  Gaspard, chef central de Zagné, lors d’un entretien en 2016, était formel. « Nous n’accepterons plus d’être des gardiens pendant que d’autres personnes viennent s’enrichir dans nos forêts », avait-il prévenu. Puis de s’inscrire en faux contre toutes les allégations selon lesquelles, les riverains seraient complices de l’installation dans les forêts classées de la région.

Téhé Doubahoulou, point focal de l’Ong ‘’Notre forêt, notre avenir’’ à Zagné. (Ph: Le Point Sur)

« Nous sommes tous à la recherche de terres cultivables », soutenait à son tour Téhé Doubahoulou, point focal de l’Ong ‘’Notre forêt, notre avenir’’ à Zagné. La menace à craindre, eu égard aux frustrations des riverains de la forêt classée de Goin-Débé, a été mise à exécution. Plutôt que d’aller détruire la forêt classée du Cavally, comme ils l’entrevoyaient, ils ont décidé d’exproprier les planteurs illégaux qu’ils qualifient d’envahisseurs.

A la clef, une expédition punitive contre les allochtones Baoulé débutée le 27 septembre 2017, marquée par l’incendie des campements et la destruction de biens. Cette expédition s’est soldée par plus de 5.000 populations déplacées. A l’issue d’un Conseil des ministres le mercredi 11 octobre 2017, le Porte-parole du gouvernement a annoncé deux morts et 11 blessés parmi les déplacés, suite au conflit.

UNE RECUPERATION DE LA FORET S’IMPOSE. Face à la situation qui prévaut dans le Goin-Débé, il revient que les élus et plusieurs cadres de la région préconiseraient le partage des ressources issues des plantations, entre les propriétaires des plantations et les ressortissants Wê, après chaque récolte. Si cette solution apparaît juste, eu égard aux besoins exprimés par les riverains, il est à craindre qu’elle ne connaisse pas de longévité, et débouche sur d’autres conflits plus violents à cause certainement de l’appétit vorace que chacune des différentes parties pourrait développer.

Si elle peut paraître difficile, la seule solution à même de ramener une paix durable dans cette partie de la Côte d’Ivoire, reste le déguerpissement définitif de l’espace illégalement occupé, pour permettre à la végétation de régénérer sur ce qui s’appelait, il y a encore une décennie, forêt classée de Goin-Débé.

Evidemment, cette mesure tant encouragée par les Ong qui militent pour la protection des forêts classées mérite d’être accompagnée par une véritable volonté politique. De sorte que les résidus forestiers du pays ne disparaissent pas. Si ce n’est pas le cas, il ne faudrait pas s’étonner de l’infiltration à grande échelle des 67.500 hectares de la forêt classée du Cavally, voisine de celle de Goin-Débé qui attire davantage l’appétit des candidats à l’eldorado forestier de l’Ouest.

Idrissa Konaté

 

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