#CIV Exclusif:Après le limogeage du ministre Alain Lobognon / Les révélations émouvantes et troublantes de son conseiller technique
« Cher frère, au moment où tu quittes définitivement tes fonctions ministérielles, beaucoup d’idées s’entrechoquent dans ton esprit. Mais la plus forte et la plus grande à retenir, c’est d’avoir servi ton pays, à un si haut niveau de responsabilité, en restant toi même. Je t’ai connu en 1995. Nous nous sommes rapprochés fraternellement et professionnellement en 1998. En 2001, tu as servi de courroie entre Madame Henriette DIABATE et moi. La secrétaire du RDR à l’époque refusait de passer à la télévision ivoirienne sous le prétexte que la RTI était partisane. Et moi j’insistais pour l’inviter dans l’émission politique « 90 mn » que je produisais et qui était animée par Thomas Bahintchi. Pendant trois mois, j’ai fait le forcing sans succès. Et un vendredi, à minuit, ce coup de fil… À l’autre bout, toi, Alain. « Tu as gagné. Madame DIABATE te reçoit demain à 10h à son domicile. Elle accepte le principe de participer à ton émission. À toi maintenant de la convaincre… »
Nous avons depuis lors, gardez le contact. Jusqu’à ce que j’apprenne que l’adjudant Beugré que j’entendais sur les ondes au début de la rébellion ivoirienne, était en fait, toi, Alain. J’ai immédiatement cherché à entrer en contact avec toi. Pour comprendre. Pour savoir. Tu connais ma position sur la démocratie donc contre les coups d’Etat et les rébellions. Nous n’avons jamais été d’accord sur la voie que tu as choisie à partir de septembre 2002. Nos discussions enflammées sur la question en témoignent. Mais cela n’a pas altéré notre fraternité.
Pendant les quatre mois de folie après les élections en 2010, nous avons gardé le contact. Jamais, nous n’avons rompu le fil.
Après la fin brutale de la crise post électorale en faveur du Golf, nous nous sommes retrouvés pour faire le point: tous les deux nous avons conclu au gâchis. À la bêtise. À partir de ce moment, nos réflexions étaient tournées vers l’avenir de la Côte d’Ivoire.
Tu fus l’un des premiers à me passer un coup de fil lorsque l’information sur mon renvoi de la télévision a été rendue publique. Tu n’as jamais compris les raisons. Tu ne comprends pas toujours les raisons. Je me rappelle encore du conseil que tu m’as donné une fois ton étonnement et ta colère passés. « Ne fais rien. Ne dis rien. Prends tes effets personnels et quitte les lieux. Quand Dieu te ferme une porte,il t’en ouvre une plus grande. ». Tous les amis et frères qui m’ont appelé par la suite, ont dit la même chose. Tu comprends frère, pourquoi depuis mars 2012, je ne me suis toujours gardé de me prononcer sur les questions liées à la RTI. Beaucoup interprètent mon silence comme un dépit amoureux ou même une haine nourrie. Non, il n’en est rien. On ne salit pas une femme qu’on a aimée ou qu’on aime. À défaut de l’aider, le silence vaut école…
Alain, je me rappelle encore, ce 21 novembre 2012… Il est environ 22h. Tu viens de sortir d’une séance de travail avec le président et le premier ministre. Ce coup de fil… « FERNAND, je serai nommé ministre de la Jeunesse et des Sports. Tiens l’information sous embargo jusqu’à l’annonce officielle. Si elle est confirmée, tu viendras avec moi… ». Que de bonheur pour moi qui commençais à sentir le poids de ce chômage forcé. Que de bonheur pour ma petite Samira… Elle est née en 2009 et n’avait jamais passé autant de temps à la maison avec son père. La petite n’arrêtait pas de me réveiller tous les matins avec la même question: « Papa, tu ne vas plus au travail? Qui va payer mon lait maintenant?« . Je découvrais la réalité de la vie. Et ton appel est venu comme une renaissance pour moi. Tu m’as fait conseiller technique. Franchement seul Dieu te le revaudra. Alain, je sais aussi, pour connaître le marigot politique, que tu as fait le dos rond pour me protéger. Je le sais, mais je l’ai gardé pour moi. Je peux te le dire aujourd’hui. Tes amis t’ont reproché de m’avoir appelé à tes côtés. Dans ce pays où les noms suffisent à catégoriser les Ivoiriens. Mais tu a résisté.
Les chantiers…
Le Sport ivoirien est en pleine léthargie au moment où tu en prends les rênes. Tu tombes sur des dossiers fumants. Comme cette candidature de Jacques Anouma à la Présidence de la CAF. Jacques Anouma et Sidy Diallo ne se parlent plus ou presque. Le chef de l’Etat â donné sa caution à la candidature de Jacques Anouma. Mais Sidy Diallo traîne les pas. Tu t’engages à faire aboutir la recommandation du président Ouattara. Sidy Diallo y voit une prise de position en faveur de son frère-ennemi. Il ne te le pardonne pas. Voilà, une des causes de tes brouilles avec le président de la fédération ivoirienne de football.
Tous les chantiers que tu mets en route sont ainsi boycottés par la FIF ou presque. Beaucoup sont convaincus que tu travailles sous la dictée de Jacques Anouma. « Il y a des choses que le ministre sait des relations entre la FIFA et les fédérations nationales. Seul un membre du comité exécutif de la FIFA ou de la FIF le sait et peut les dévoiler.« . Le membre ainsi indexé est Jacques Anouma. Je dois personnellement passé des nuits blanches à expliquer ta méthode de travail. Ta ligne de conduite. Ta volonté de sortir le sport ivoirien de l’amateurisme. Je dois expliquer que tu es un bourreau du travail. Tu es un accroc des TIC. Tu passes plus de temps à fouiner, à décrypter, à comparer les différents textes régissant le sport dans le monde qu’en boîte de nuit. Je dois expliquer que ta volonté est clairement affichée: élaborer la la loi sur le sport, définir une politique sportive, définir un plan clair pour la construction des infrastructures, définir une politique de formation des athlètes et des cadres, imposer une discipline budgétaire pour permettre à la fois aux athlètes de vivre du Sport et être performants. Performance, voilà le maître-mot de ta politique.
À toi, je conseillais la pédagogie et le choix des mots pour expliquer ta politique. Je t’expliquais que toutes les ruptures ont leurs venins. Mais tu t’en es aperçu, les fédérations sportives considèrent comme un droit acquis, le financement de leurs compétitions internationales par l’Etat. Elles sont toutes des sociétés d’Etat renflouées par l’argent public. Souvent sans résultats et sans compte-rendus.
Alain, tu as voulu changer les choses. Tu as réussi en deux ans et demi à secouer le cocotier. Peut-être que ton rôle était justement ça: secouer les mentalités, faire bouger les lignes, adopter les textes réglementaires, ouvrir les yeux sur le modèle économique qui régit le sport ivoirien.
En deux ans et demi, tu n’as pas toujours été sans reproches dans ton approche des relations humaines, dans la gestion des immanquables secousses, mais tu avais une vision. Tu étais porteur d’un projet. Tu avais le courage de tes opinions.
Alain, pour t’avoir côtoyé, je puis te dire, tu aimes profondément ton pays. Tu es ou tu fus un rebelle, c’est sûr. Tu es caractériel. Mais tu n’es pas un voleur de la République. Mais tu as voué ta vie à la transparence. Tu es aujourd’hui, victime de la transparence. Ils sont nombreux, tes amis, mes amis, nos amis communs qui me disaient chaque fois « Alain va sortir zéro dans cette affaire. Il veut montrer quoi? Tous les autres se servent. De quelle transparence, de quelle probité parle-t-il?« .
Alain, » seul Dieu est maître du destin de chacun de nous. Regarde à Dieu. Garde le silence des innocents. Garde la fois des orphelins. Relis la courbe de vie du premier ministre Daniel Kablan Duncan ou même de ton successeur à la tête du ministère des Sports, François Albert Amichia. Ainsi est la vie... »
Fernand Dédeh
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