Chefs traditionnels : bouffons malgré eux (Simple avis Par Pascal Kouassi)
Les chefs traditionnels sont invités aujourd’hui dans des castings burlesques pour jouer des rôles comiques contraires à leurs rangs et grades. En effet, lors de la remise de leur arrêté, les autorités préfectorales leur signifient qu’ils doivent se mettre en dehors de la politique, qu’ils doivent se montrer droits, justes et impartiaux.
Et pourtant, ce sont les politiques, membres des partis politiques qui les convoient pour aller faire des déclarations politiques partisanes. Les chefs qui se succèdent ces derniers jours sur les tribunes pour supplier le président de la République de se représenter pour un troisième mandat ont-ils consulté leurs sujets et obtenu le consensus dans leur village ? Assurément non. Est-ce, d’ailleurs, les chefs traditionnels qui se réunissent et décident eux-mêmes ? Assurément non. Ce sont les ministres et les élus locaux assis autour d’eux, qui organisent leurs castings et leur confie ces rôles burlesques indignes de chefs traditionnels. Les exemples, on n’en compte plus.
‘’Comme on le constate, les chefs traditionnels sont enrôlés dans des castings politiques burlesques qui sont aux antipodes de leur éthique ancestrale. Un chef doit administrer sans parti pris. Malheureusement, on voit, aujourd’hui, des chefs, micro en main, faire campagne’’.
En 2000, lorsque le général a voulu s’installer finalement dans la maison après l’avoir balayée contrairement à la feuille de route des ‘’jeunes gens’’, il a organisé son cirque avec les chefs traditionnels. Ceux-ci, partis pour leur assemblée constitutive, ont réuni 20 millions pour payer la caution du général. Il les a convaincus d’abord de le soutenir dans ses conjonctions de coordination ‘’ET’’ et ‘’OU’’ avant sa candidature à la présidence de la République.
En 2010, les chefs traditionnels étaient également sollicités. Le président sortant Laurent Gbagbo s’était rendu entre les deux tours à Sakassou, siège du royaume baoulé, pour solliciter la caution de la reine et les voix de ses sujets.
Henri Konan Bédié, lui, au nom de son alliance de 2005, avait réuni les chefs traditionnels baoulés pour leur demander d’accorder tout leur suffrage à son petit frère allié Alassane Ouattara. Les chefs ne sont pas retournés dans leur village respectif pour avoir les avis de leurs ouailles. Sur-le-champ, ils ont agréé la requête, sinon, l’injonction du chef adorateur de leur fétiche : le PDCI. Séance tenante, ils ont baptisé son petit frère arrivé deuxième au premier tour, Allah N’guessan. Lors de leur séparation inattendue, fin 2018, Bédié les a réunis pour le débaptiser. Et ils étaient également là en grand nombre.
Quelques jours après le passage de son grand frère, le président Ouattara a réuni à son tour à Yamoussoukro tous les chefs traditionnels du pays pour leur dire de continuer de le soutenir pour leur propre bonheur : paix, stabilité, routes, goudron, électricité, eau et hôpitaux. À l’issue de la rencontre, il leur a offert 206 millions FCFA. C’est après le partage inégal qui en a été fait qu’on a su par l’un de ces chefs que la Cour des rois et chefs traditionnels qu’il y a un budget de 4,3 milliards FCFA par an.
‘’Quelles sont les conséquences de ces incongruités et déviations ? Les grands perdants : des villages qui sont divisés; des chefs qui ont perdu leur dignité et leur légitimité et ne sont plus respectés. Dignité et légitimité perdues à cause de quelques billets de banque. Ces chefs sont à l’image de la société qui ne peut résister au dieu argent.’’
Ensuite, vous le savez. Des rois ont été reçus au palais de la RÉPUBLIQUE, le président lui-même s’est rendu à Sakassou. Chaque semaine, des émissaires du gouvernement parcourent les villages pour rencontrer les chefs traditionnels, notamment baoulés, pour avoir leur soutien pour leur candidat à la prochaine présidentielle.
Comme on le constate, les chefs traditionnels sont enrôlés dans des castings politiques burlesques qui sont aux antipodes de leur éthique ancestrale. Un chef doit administrer sans parti pris. Malheureusement, on voit, aujourd’hui, des chefs, micro en main, faire campagne.
Quelles sont les conséquences de ces incongruités et déviations ? Les grands perdants : des villages qui sont divisés; des chefs qui ont perdu leur dignité et leur légitimité et ne sont plus respectés. Dignité et légitimité perdues à cause de quelques billets de banque. Ces chefs sont à l’image de la société qui ne peut résister au dieu argent.
Les grands gagnants : les autorités nommées ou élues qui doivent conserver leurs postes et leurs privilèges et leurs conforts.
Les chefs traditionnels ont été embarqués dans des castings politiques burlesques contraires à l’éthique des sociétés traditionnelles. Ils sont devenus bouffons malgré eux dans un cirque pathétique désacralisateur, déshonorant et indigeste.