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Burkina : les médias du service public accusent les autorités de nuire à leur indépendance


Les journalistes burkinabés à travers leurs organisations professionnelles ont accusé, jeudi 21 juillet, les nouvelles autorités d’ingérence dans le traitement de l’information par les chaînes publiques. Le gouvernement n’a pour l’heure pas réagi.

C’est l’un des points sur lesquels, les nouvelles autorités burkinabé étaient attendues : la question de l’indépendance des médias publics. Longtemps accusés, notamment sous le régime de Blaise Compaoré, d’être à la solde du gouvernement, les médias publics avaient réussi à gagner une certaine crédibilité aux yeux de l’opinion nationale sous la transition.  Mais depuis l’élection du président Roch Marc Christian Kaboré, des divergences sont à nouveau réapparues entre les organisations professionnelles des journalistes et les autorités sur la gestion des chaînes publiques.

Récriminations

Les journalistes reprochent essentiellement au gouvernement de Paul Kaba Thieba de s’immiscer dans le traitement de l’information par la presse publique. « Il  a été expressément demandé à la RTB – Radiodiffusion Télévision du Burkina – d’ouvrir le journal d’abord par les audiences du chef de l’État, puis l’actualité de la Primature et celle du Parlement », dénoncent l’Association des journalistes du Burkina (AJB) et le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (Synatic).

Pendant les attaques terroristes survenues à Ouagadougou le 15 janvier, les deux organisations avaient déjà regretté l’irruption de la police nationale dans les locaux de la RTB en vue d’interrompre une édition spéciale pour des « questions de sécurité ». Elles avaient à l’époque dénoncé une « éternelle infantilisation des journalistes ».

« Ces nombreuses ingérences dans le traitement de l’information, exposent par ailleurs couramment les journalistes à la vindicte populaire », estime le secrétaire général du Synatic, Siriki Dramé.

Lors d’un débat télévisé le 17 juin dernier – qui n’est actuellement plus accessible, le ministre de la Communication avait estimé, selon les propos rapportés par le Synatic et l’AJB, qu’ « on ne peut pas vouloir rentrer dans l’avion présidentiel et (..) dénigrer le travail fait par le gouvernement ». Des propos « insultants » auxquels s’ajoutent d’autres précédents.

Dans une tribune publiée lundi sur Burkina24, l’Union pour le progrès et le changement de Zéphirin Diabré (opposition) estime que cette attitude du pouvoir est « une grave atteinte à la liberté d’expression, à l’indépendance des médias publics et à la crédibilité des journalistes garanties dans la Constitution, les lois sur l’audiovisuel et la presse écrite et la charte des journalistes burkinabé ».

Il n’a jamais été question de donner des instructions aux journalistes

Du côté des autorités, une source proche du gouvernement estime qu’ « il n’a jamais été question de donner des instructions aux journalistes, ni de leur montrer comment traiter l’information ». Selon cette même source, « le ministre de la Communication a émis certaines critiques et exprimé son souhait de voir les reportages traités avec un certains recul ».

Problème structurel ?

Durant la période transitoire, les autorités avaient pourtant revu les statuts de la RTB dans le soucis de soustraire la chaîne publique de l’autorité administrative de l’État qui n’exerce désormais qu’une tutelle financière telle que l’indique l’article 6 : « Le ministre de tutelle technique -ministère de la Communication – veille à ce que l’activité de la Radiodiffusion-Télévision du Burkina s’insère dans le cadre des objectifs fixés par le gouvernement. Il est chargé essentiellement de veiller à ce que l’activité de l’établissement s’insère de le cadre de la politique financière du gouvernement et de veiller à ce que sa gestion soit la plus saine et la plus efficiente possible. »

Toutefois la possibilité pour le Conseil des ministres, à l’article 35, est perçue par certains acteurs comme un moyen de pression sur les responsables des médias publics.

Avec ces dispositions, l’immixtion de l’État dans le traitement de l’information devrait être limitée. En théorie, seul l’article 35 inquiétait initialement les journalistes car il permet au Conseil des ministres de déroger à la procédure d’appel à candidatures et de nommer directement le directeur général de la RTB. Des inquiétudes aujourd’hui grandissantes…

Rodrigue Tagnan (Jeuneafrique.com)

 

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