Dr Amadou Moustapha Bèye explique pourquoi le rêve est permis Actualite

[Autosuffisance en riz] Dr Amadou Moustapha Bèye explique pourquoi le rêve est permis


Abidjan, 30-07-2021 (lepointsur.com) L’ancien représentant régional d’AfricaRice (ex-Adrao), par ailleurs, directeur général de la société Many, Dr Amadou Moustapha Bèye, a prononcé une conférence publique le mercredi 28 juillet à Abidjan sur le thème : « Pour une révolution agricole et alimentaire en Afrique. Le rêve est encore permis ».

Cette conférence publique, organisée par la Commission de l’agriculture de la chambre de commerce américaine, a été l’occasion pour le conférencier, Dr Amadou Moustapha Bèye de partager sa longue expérience sur divers sujets liés à l’agriculture et à l’alimentation.

Avant sa présentation, le PDG de la société Many, basée à Dabakala et Marabadiassa, Tiahmo Rauf, a fait part de sa vision sur la recapitalisation des producteurs. Ainsi, pour matérialiser sa pensée, il a indiqué que, bientôt  leur société va monter des centres de machinisme agricole pour permettre de régler définitivement les problèmes de mécanisation de l’agriculture, et donc de réduire les difficultés que rencontrent les producteurs. « Nous allons démarrer dans un premier temps avec quatre centres basés dans les localités de Dimbokro, Daloa, Dabakala et Marabadiassa. Mais, à terme, notre ambition est de créer huit centres. Notons que chaque centre couvre en moyenne quelque 25 000 hectares », a-t-il promis.

Le PDG de la société tient à relever ce challenge. En effet, déjà, à Dabakala où la société a démarré la mécanisation des travaux agricoles, il est fier du résultat. « Dans deux semaines nous allons terminer les récoltes et procéder au paiement des producteurs qui ont bénéficié de nos appuis financiers et de ceux des projets CORIS / GIZ / AfricaRice et PUR_2020 du FIDA / PADFA. Nous allons créer des millionnaires », se réjouit-il.

La recapitalisation de l’agriculture familiale vue par le conférencier

Le PDG de la société Many, Tiahmo Rauf (à gauche) et le directeur général de la société Many, Dr Amadou Moustapha Bèye (à droite), croient à l’autosuffisance en riz en Côte d’Ivoire. Ph: abidjan.net

Dès l’entame de sa conférence, Dr Amadou Moustapha Bèye, pose un diagnostic peu reluisant en jetant un regard sur les legs du passé historique du continent marqué par l’esclavage, la colonisation, la néo-colonisation, les conflits armés, le changement climatique, les migrations et les fuites de cerveaux. Il déplore que les modèles économiques utilisés, jusqu’à présent en Afrique, n’aient jamais suffisamment pris en compte ces particularités tant endogènes qu’exogènes. Chemin faisant, précise-t-il, les conditions, qui ont permis la révolution agricole dans les autres continents (Europe, Asie, Amérique Latine), n’ont jamais été réunies en Afrique. Aussi, prône-t-il la recapitalisation de l’agriculture familiale, son industrialisation et son arrimage au marché pour changer complètement le développement économique et social des pays africains. Par conséquent, le rêve est encore permis. Mais pour cela, dit-il, il faudra y mettre les moyens, à tous les niveaux, notamment, en matière de bonne gouvernance, de réformes foncières, de financement, de recherche-développement et d’éducation, et pour ne pas répéter les erreurs de la révolution verte, de préservation de la biodiversité et des écosystèmes.

À l’en croire, avec l’appui de l’État, des partenaires au développement et du secteur privé, la Côte d’Ivoire peut parvenir à l’autosuffisance en riz  dans cinq ans. Il estime cependant « qu’il faudra créer un Fonds de développement agricole qui s’inspire du Plan Marshall qui a permis aux pays Européens de réussir la Révolution agricole. Mais en attendant, il demande qu’un Fonds de garantie de 30 milliards FCFA, confié à un comité ad hoc, soit mis en place pour garantir des prêts aux Leaders de pools en appui aux petits exploitants agricoles ».

Comment la Côte d’Ivoire peut parvenir à l’autosuffisance en riz en 5 ans

Dr Beye revient sur le montant de 235 milliards FCFA alloué chaque année aux importations d’un million de tonnes de riz blanchi. « Cet argent, qui part à l’extérieur, aux pays asiatiques, notamment à l’Inde qui est l’un des principaux pays fournisseurs de riz, peut servir à créer localement des richesses et des emplois pour les jeunes et les femmes. Il y a des choses à faire ici et il est bien possible d’inverser la tendance », explique-t-il.

Par ailleurs, le conférencier a présenté les différentes projections, dont celles de 2008. « J’ai participé au montage de la plupart des projets de développement des pays francophones, y compris ceux de Madagascar (Programmes d’urgence, Programmes post-crises, WAAPP / PPAO, etc). Mais il faut le reconnaître, les résultats sont mitigés. Il faudra donc qu’on s’y mette sérieusement. Cela passera nécessairement par un accompagnement de l’État de Côte d’Ivoire à travers l’élaboration d’une nouvelle politique agricole et alimentaire, l’ouverture de périmètres irrigués, mais également l’accès des agriculteurs aux intrants agricoles, aux équipements et aux financements. C’est ce que j’appelle la recapitalisation parce que, l’agriculture coûte cher, a indiqué Dr Bèye, ajoutant par ailleurs, notre objectif est de créer des paysans millionnaires, nous ne voulons pas voir de paysans pauvres, et je vous invite à venir voir dans deux semaines, à Dabakala, le miracle se produire lors du paiement des producteurs ».

Les effets néfastes de la révolution agricole

Ensuite, il est revenu sur l’impact des révolutions agricoles qui ont certes réglé le problème de la faim dans le monde mais sont à l’origine de la malbouffe. Les habitudes alimentaires ont en effet beaucoup changé ces derniers temps. Elles sont bien sûr le résultat de politiques agricoles qui privilégient généralement le développement des cultures de rente au détriment du vivrier local mais aussi à cause de l’importation de produits finis (riz, blé) pour leur disponibilité, leur facilité de préparation, leur présentation et leurs prix, souvent subventionnés. Ainsi, les plats traditionnels à base de mil, sorgho, riz local, igname, etc sont délaissés au profit de repas faits à base de riz importé, de farine et de pré-cuits (sandwichs, snacks, hot dogs, pizzas, kebabs, kibés, sushi, etc). Nous cuisinons moins et mangeons plus d’aliments faciles à préparer généralement riches en calories, en gras, en sel et en sucres, notamment les fast-foods. Cela a joué dans l’augmentation de la prévalence de maladies chroniques d’origine nutritionnelle : obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires et cancers.

Il mérite également de souligner que la Révolution agricole a utilisé d’énormes quantités de produits non organiques tels que les pesticides, les hormones, les antibiotiques et les produits chimiques toxiques. Ces produits peuvent parfois se répandre dans les chaînes alimentaires et créer des problèmes de santé, perturber les systèmes immunitaires ou déstabiliser les écosystèmes. Aussi, il importe de faire la promotion d’une alimentation simple, saine, naturelle, diversifiée et délicieuse. Many y travaille.

Tour à tour, les intervenants, pour la majorité des partenaires au développement de l’agriculture ont encouragé la société Many. M. Diabaté Mory, président du groupe AMC-FC, par ailleurs, président de la Fédération des transformateurs de riz de Côte d’Ivoire, premier vice-président de l’OIA-RIZ dénonce lui aussi, les difficultés dans le secteur. « La filière est convalescente, nous sommes en train d’assurer sa relance en apportant les appuis nécessaires, surtout financiers », a-t-il dit.

Lui aussi, affirme que la Côte d’Ivoire a tous les atouts pour recapitaliser l’agriculture, mais il faut des financements conséquents pour atteindre l’autosuffisance en riz. « C’est une filière qui peut embaucher plus de 2 millions de personnes, et donc, créatrice d’emplois et gage de sécurité alimentaire ; des éléments importants pour la Côte d’Ivoire », explique-t-il.

La conférence a permis de comprendre que le secteur privé peut contribuer efficacement au développement de la riziculture, mais il faudra un appui substantiel de l’État et des partenaires au développement à l’effet de permettre aux producteurs de jouir pleinement du fruit de leur labeur, tant en Côte d’Ivoire qu’ailleurs, en Afrique.

Sériba Koné

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