Point Sur

[Assurance en Côte d’Ivoire] Un marché en pleine mutation (contribution)


Le marché de l’assurance dans la zone CIMA en général et en Côte d’Ivoire en particulier connaît des mutations profondes en raison d’un environnement réglementaire de plus en plus contraignant. En effet, à l’instar du secteur bancaire, les régulateurs du secteur de l’assurance ont pour ambition de converger vers les standards internationaux du métier.  L’objectif final étant d’assainir le secteur, de mieux couvrir le consommateur final et de permettre aux compagnies d’assurance de jouer pleinement leur rôle structurant dans les économies locales.

À ce titre, l’on peut citer la réforme dite de « l’article 13 » qui a supprimé l’assurance à crédit. Cette réforme a poussé, dans un premier temps, les compagnies d’assurance à passer en pertes les primes comptabilisées et non effectivement encaissées, mais a permis à terme d’améliorer la trésorerie de ces dernières. Dans la même verve, le niveau minimum de capital requis pour une compagnie d’assurance dans la zone CIMA passera de 1 milliard de FCFA à 3 milliards de FCFA au 31 mai 2019 puis 5 milliards de FCFA au 31 mai 2021.

Ces réformes ont entrainé une réorganisation du marché ivoirien qui, d’ailleurs se poursuit toujours. Si certaines compagnies ont disparu et d’autres ont été mises sous surveillance, le premier marché de la zone CIMA a attiré de nouveaux acteurs de tous horizons ces dernières années. Nous pouvons, entre autres, citer :

  • Les compagnies Atlanta Assurances, Attijariwafa Assurances et Comar Assurances en provenance d’Afrique du Nord qui se sont installées en Côte d’Ivoire entre 2016 et 2017.
  • Les compagnies régionales telles que la SONAM qui a repris les activités Non Vie de l’Alliance Africaine d’Assurances (3A), l’Africaine des Assurances qui a repris les activités de la Solidarité Africaine d’Assurances (SAFA), Leadway qui a repris les activités Vie de l’Alliance Africaine d’Assurances (3A).
  • Du côté des groupes européens, le britannique Prudential a annoncé début 2019 la reprise des entités du groupe Belife en Côte d’Ivoire, au Togo et au Cameroun.

‘’À terme, les compagnies qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui sauront combiner un ancrage local fort avec des procédures et une offre aux standards internationaux’’.

Enfin, des demandes d’agrément sont en cours et l’on devrait voir arriver au moins 2 nouvelles compagnies à l’horizon 2020 sur le marché ivoirien.

Dans ce contexte marqué par une réglementation en évolution et une compétition grandissante, la tendance est à la baisse des niveaux historiques de marge. Les compagnies doivent donc, plus que jamais, s’adapter pour satisfaire leurs actionnaires et toutes les parties prenantes. Pour ce faire, elles devront jouer sur plusieurs leviers, notamment :

  • L’innovation et la prise en compte des réalités locales. Nous avons observé ces dernières années la percée de compagnies locales qui ont su développer des produits innovants et adaptés au marché local. Depuis lors, les assureurs ivoiriens prennent de plus en plus en compte ces paramètres dans leurs nouvelles offres mais il reste encore du chemin dans un pays dans lequel le taux de pénétration de l’assurance reste faible en comparaison à des marchés tels que le Nigéria.
  • Un accent accru sur la qualité de service au client (qualité de la prise en charge, réactivité pour les cotations, rapidité de l’indemnisation en cas de sinistre, etc…). Sur ce point, les performances des compagnies ivoiriennes sont disparates. Si certaines compagnies ont mis en place des mécanismes pour satisfaire le client (accueil, bureaux d’indemnisation rapide, etc…), d’autres compagnies ont des processus archaïques et peu voire pas du tout orientés vers la satisfaction du client.
  • Le développement d’une offre digitale. A ce niveau, les approches sont une fois de plus disparates. Si la majorité des assureurs sont convaincus de la nécessité de la digitalisation et que de nombreux chantiers ont été lancés à ce sujet, ils doivent être conscients que la digitalisation ne doit pas être de façade au risque d’être inefficace. Elle doit s’accompagner d’une refonte de tous les processus internes et prendre en compte les spécificités intrinsèques et les facteurs exogènes pour être réellement bénéfique au client et à la compagnie.
  • Le recrutement et la fidélisation de ressources humaines capables de soutenir le développement. Les compagnies d’assurance sont de moins en moins en position de force en ce qui concerne les ressources humaines de qualité. Elles doivent prendre conscience que leur métier, plus que d’autres, a besoin de ressources humaines qualifiées. Elles devront donc apprendre à développer leur marque employeur et à investir davantage afin d’attirer et fidéliser les talents.
  • Une politique de placement plus dynamique afin que les résultats financiers puissent compenser la perte de résultat technique. Les compagnies d’assurance ont encore une marge de progression importante dans la gestion active et dynamique de leurs placements.

À terme, les compagnies qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui sauront combiner un ancrage local fort avec des procédures et une offre aux standards internationaux.

En synthèse, le marché ivoirien pèse plus d’un quart des primes émises dans la zone CIMA mais le taux de pénétration de l’assurance y reste relativement faible. Les réformes, réorganisations et mutations en cours laissent augurer des perspectives encourageantes et devraient permettre aux compagnies (i) d’être plus compétitives, (ii) de jouer leur rôle d’investisseur institutionnel et (iii) être plus bénéfiques au client final et ainsi permettre de mieux structurer les économies locales.

Mamadou Kouyaté

Managing Partner Jely Group

Financement, Restructuration, Ressources Humaines

Commentaires

commentaires