Politique

Alternance 2020/Très remonté, un militant de l’Udpci à Mabri : ‘’Vous avez mis la charrue avant les bœufs’’


Monsieur le Président, cher camarade militant

Prendre la plume et donner son opinion sur des questions d’intérêt commun, dans les contextes politiques ivoiriens et surtout de notre parti l’UDPCI, n’est pas chose aisée. L’on a vite fait, dans une situation économique délétère où la soumission béate et non la conviction est gage de la prospérité politique et financière, de faire passer les critiques pour péché de lèse-majesté. Et pourtant, c’est à cet exercice qui peut nous faire accuser de tous « les péchés d’Israël » que nous nous prêtons dans les présentes lignes.

L’objectif que poursuit notre adresse est de restaurer l’éthique et la déontologie militante. Est-ce que les actes posés par les hauts dirigeants du parti, et principalement par le Président, sont-ils accomplis pour l’intérêt commun? Ce qu’entreprend le Président, est-ce dans l’intérêt supérieur du parti ?  Les militants se reconnaissent-ils encore dans les actes de leur Président malgré le silence observé jusqu’ici ? Ne se tait-on pas par peur de représailles ? Les militants ne craignent-ils pas pour leur sécurité s’ils font des critiques sévères sur votre gestion ?

Voilà autant de questionnements qui sont soutenus, entre autres,  par les hypothèses suivantes. En premier lieu, après observation de la vie du parti depuis que vous êtes au gouvernement (2003), la conviction est faite que votre gestion n’est plus sous-tendue par une idéologie de progrès du parti. En deuxième lieu, on peut estimer sans hésitation que votre ambition sécrète est de vous faire un maximum d’argent au nom du parti pour assurer vos arrières au cas où…

      L’UNITÉ DU PARTI EN BERNE SUITE À UNE GESTION CONTESTÉE.

Concernant le traitement de l’objet, nos inquiétudes sont relatives à l’unité du parti et à  son avenir au sein du RHDP après la présidentielle de 2015. Quant à l’alerte, elle se comprend aisément.

                  Que de contestations à votre égard !

Pour rappel, nous sommes en 2005. Lorsque l’urgence se fait sentir de changer de leader à l’UDPCI, des personnalités et non des moindres du parti, tous unis autour de vous, organisent avec souffrance  un congrès extraordinaire qui vous porte au pouvoir.

En 2013, nous sommes à Yamoussoukro à l’occasion des congrès électifs. Qu’est devenue notre unité autrefois jalousée par des partis frères? Si votre élection se passe sans heurt, celui des jeunes est émaillé d’intimidations en faveur de votre candidat. Quant au congrès des femmes, il connait des bastonnades des partisanes d’une candidate, par des personnes soupçonnées proches de vous et de votre candidate. Comme conséquence, jusqu’à ce jour, en dépit des apparences, le feu couve sous la cendre, parce que la déchirure est réelle. Le remaniement ministériel de novembre 2012, les dernières nominations des conseillers économiques et sociaux, les nominations au Secrétariat Général du parti et dans les autres instances ont laissé une fracture importante dans la camaraderie militante. Vous êtes accusé en certains points d’avoir protégé exclusivement vos intérêts, et avoir en d’autres, écarté dans les nominations des militants que vous soupçonniez être proches de vos désormais adversaires internes.

Votre concept « ni Wê ni Dan » est accusé de faire plus de mal que de bien, parce qu’il n’est pas fondé sur une idéologie de planification et d’avenir dans un parti où sociologiquement ces deux peuples font plus de 90% des militants. Excluant de facto, ces peuples du partage du peu que l’UDPCI gagne grâce à leur dévouement. La catastrophe de frustration serait égale à celle que ressentiraient des militants si au PDCI Bédié disait « ni Baoulé ni Agni » ou au RDR si Ouattara disait « ni Sénoufo ni Malinké ».

Les nominations dans le ministère que vous occupez sont vues comme des cadeaux à ceux qui vous sont absolument soumis, excluant par là-même des militants, quoique compétents, dits proches de vos supposés adversaires. Le Conseil Régional du Tonkpi est-il touché par votre ségrégation politique ? Vous vous en êtes honnêtement rendu compte lors de la campagne électorale présidentielle de 2015. Les populations étaient-elles enthousiastes de vous revoir dans certaines localités ? Vous le savez.

C’est pourquoi, au regard de votre gestion,  il nous semble raisonnable d’admettre que vous ne comptez pas sincèrement consulter les militants sur la question du parti unifié, pas parce que le Président de la Conférence des Présidents du RHDP n’a pas saisi notre parti officiellement de la question de l’appel de Bédié, mais parce que vous comptez bien décider tout seul à la place du parti. Les autres membres de la coalition n’ont pas été saisis officiellement, mais l’appel de Bédié étant un fait de société majeur au sein de notre alliance, ils ont organisé des rencontres de leurs instances pour recueillir l’avis provisoire de leur parti (ne serait-ce qu’à titre d’observation),  en attendant un probable courrier officiel. Comptez-vous marchander la position de l’UDPCI contre un poste ministériel, un poste de Président d’Institution ou contre la non entrée au gouvernement de vos « supposés » adversaires internes? Cela ne nous étonnerait pas de votre part !

                             Conséquences

Les conséquences des faits ci-dessus rapportés sont l’inaction des coordinations, l’inaction et l’inefficacité du Secrétariat Général et des autres organes mis en place après 2013, le refus de plusieurs militants et hauts cadres de payer les cotisations, si bien que des mentors du parti exposent publiquement que nous ne sommes plus que l’ombre de nous-mêmes sous votre mandat. C’est donc à bon droit, même s’il fait erreur, que le Président Ouattara dans une récente déclaration a affirmé qu’en Côte d’Ivoire il y a trois partis politiques : RDR, PDCI, FPI.

C’est malheureusement la raison pour laquelle, le PDCI conteste à notre parti la candidature unique en 2020, en attendant une éventuelle évolution de l’alliance en parti unifié. Et le fait de crier notre existence et de revendiquer notre place au sein du RHDP, quoique légitime et salutaire, reste aux yeux de nos alliés, même s’ils se trompent sur notre capacité, une diversion ayant pour finalité de vous « élever » vous seul.

                             Inquiétudes

En vous portant à sa tête, l’UDPCI a fait de vous le garant de l’unité en son sein. Pourtant, légitimement des militants et non des moindres se sentent floués dans la considération que vous leur devez. Au regard du chemin qu’ils ont parcouru avec vous surtout pour que vous soyez Président, ils estiment qu’ils méritent plus d’égard de votre part. Ils ne sont pas à mettre sur le même pied que tout le monde. Toutefois, à bien des égards, tout porte  à croire que vous êtes dans une logique de bras de fer, même si des tentatives de conciliation de forme ont eu lieu. Vos actes trahissent aisément votre pensée et tout le monde le sait.

Certes, désormais des militants s’empressent de répondre aux attaques faites au parti ou à votre personne ou encore à donner un point de vue personnel sur des questions liant l’UDPCI au RHDP, mais force est de reconnaitre que ces réponses ne font pas autorité comme si elles venaient de vos camarades aujourd’hui en froid avec vous. Si vos « nouveaux » collaborateurs vous cajolent en déclarant qu’ils ont la carrure pour donner au parti la considération à lui due, ils vous trompent, et nous aussi.

En regard de ce qui précède, la désunion au sein du parti suscite les interrogations suivantes : Les militants sont-ils en droit de penser que vous avez mis assez d’argent de côté pour assurer vos vieux jours, de sorte que si l’UDPCI se porte bien ou pas, cela ne vous dérange plus ? Doivent-ils se convaincre que la guéguerre au sein du parti continue parce que vous pensez qu’en  qualité de Président, quelle que soit la part de l’UDPCI dans le partage au RHDP, c’est vous qui êtes le distributeur des « grâces et des sacrements» de sorte que vos « adversaires » viendront plier l’échine devant vous ? Les militants peuvent-ils être situés sur l’information selon laquelle vous tiendriez les réunions de direction avec qui vous voulez, quand vous voulez et comme vous voulez ?

Pour l’alternance 2020, vous avez mis la charrue avant les bœufs. Le congrès électif de 2018 n’a pas encore désigné le Président du parti encore moins notre candidat ;  que vous vous êtes auto-proclamé candidat du parti. Le congrès de 2013 a seulement dit que l’UDPCI aura un candidat en 2020. On ne le connait pas pour le moment. Quelles sont vos intentions en vous autoproclamant candidat pour cette échéance électorale ? Faire un hold up au congrès électif de 2018 avec les conséquences que l’on peut imaginer quand on sait les « exploits » de vos « missionnés » lors du congrès des femmes en 2013 ? Seriez-vous en train de devenir un danger pour l’UDPCI et les militants ? Etes-vous encore un Président de parti ou simplement un individu qui cherche à se réaliser par le canal d’un parti ? On vous prête l’intention de vouloir marchander vos déclarations de candidature pour 2020 ainsi que la position de l’UDPCI sur le parti unifié contre des prébendes parce que vous ne feriez plus l’unanimité au sein des militants.

Autre lieu autre fait. Vous étant rendu compte de l’énormité de votre sortie solitaire sur l’alternance en 2020, vous avez cherché à « juridiciser » votre imposition au parti. Le Bureau Politique du jeudi 17 Décembre 2015, pratiquement contraint, vous a demandé de « préparer l’alternance 2020 en tant que candidat ». Malheureusement, la farce ne peut prospérer pour deux raisons. La première est que l’article 22 des statuts que vous brandissez ne donne pas qualité au Bureau Politique de désigner le candidat du parti à une élection présidentielle. Décision qui revient exclusivement au congrès. Deuxièmement, le Bureau Politique ne peut pas vous désigner candidat à l’alternance 2020 alors même que le congrès, organe suprême, qui doit se tenir en 2018 à cet effet n’a pas encore eu lieu. En conséquence, la décision du  dernier Bureau Politique voudrait dire en filigrane que le congrès de 2018 devient sans objet et serait donc frappé d’une nullité de fait car le Bureau Politique vous aurait réélu Président et désigner candidat du parti. Ce qui est impossible en droit et même en rêve. La décision du Bureau Politique est donc une forfaiture juridique mais également une incompétence politique pour vous, parce que vous installez par-là même une désorganisation structurelle du parti. La hiérarchie des organes étant menacée ou n’étant plus respectée. Les membres du Bureau Politique dont la plupart a peu de connaissance du droit et des textes du parti peuvent se tromper de bonne foi, mais vous n’aviez pas le droit de les y encourager et de cautionner leur méconnaissance. Vous vous êtes rendu-là coupable d’un acte de haute trahison parce que le communiqué final de cette réunion est le fruit d’une pratique dolosive.

Des militants se disant proches de vous, vous encourageraient-ils parce qu’ils se seraient subitement découvert des qualités de ministrables, de présidents d’institutions, d’ambassadeurs, de conseillers spéciaux ou techniques du Président de la République etc. ?

L’AVENIR GRANDIOSE DE L’UDPCI AU RHDP MENACÉ

Dans sa réaction au projet du Président Bédié de faire du PDCI le parti unifié, le Président de notre groupe parlementaire déclarait « on ne peut pas passer la mort d’un homme comme Gueï Robert par perte et profit. L’UDPCI n’est pas égoïste à ce point ». Là-dessus, nous sommes d’accord avec lui. Toutefois, la conduite interne du parti n’autorise pas à croire que ce but est en réalité poursuivi. Pourtant, l’UDPCI est un trésor inestimable au RHDP contrairement à l’image et à la place que le PDCI et le RDR semblent lui accorder.

A ceux qui l’auraient oublié, la candidature unique du Président Ouattara aujourd’hui tout comme le RHDP hier, est un pur produit de l’UDPCI. En effet, c’est à l’occasion de la conférence d’Accra 2 au Ghana en novembre 2004, face aux difficultés réelles et énormes de trouver un accord séparé des différents partis présents aux pourparlers ivoiro-ivoiriens, que le Ministre Paul Akoto Yao, alors Président de l’UDPCI, a lancé l’idée de la création du RHDP. L’idée a fait son chemin et a conquis les cœurs. Ainsi, le 16 Mai 2005 à l’hôtel Ivoire, le congrès extraordinaire de notre parti a entériné l’idée de faire partie de l’alliance. Le 18 Mai 2005, soit 2 jours plus tard, la plate-forme du RHDP était signée à Paris.

En vérité, sans notre parti, le PDCI et le RDR qui se croient très forts ne seraient que des géants aux pieds d’argile. Oui, les dernières élections présidentielles (2015) ont donné de constater que l’UDPCI est véritablement le parti qui a fait gagner le Président Ouattara, et qui, à l’avenir fera gagner le RHDP.

Le taux de participation de 52% a montré que toute l’opposition (Affi y compris) fait 48% de l’électorat. Dans cette proportion de 52%, le RDR et le PDCI (les irréductibles y compris) font environ 47.50%, l’UDPCI 4% et les autres se partagent le reste. Au vu de ce constat, si les élections continuent d’être crédibles en Côte d’Ivoire comme en 2015, on le voit, dans un duel Opposition unique/ RDR-PDCI, c’est le côté duquel notre parti se penchera qui gagnera les élections. Le RDR et le PDCI dans ce cas-là, sans l’UDPCI pousseront ce cri de détresse «  Ah ! Si près mais hélas ! ». Et leur douleur sera d’autant plus grande qu’ils se seront crus trop forts pour gagner seuls. Mais surtout, c’est la « grandeur froide » de notre parti qu’ils auront méprisée qui leur donnera l’insomnie. L’UDPCI est pour le moment faiseur de roi, mais il aspire à devenir ce roi. Au regard de notre taille, si nous nous présentons seul à une élection présidentielle et qu’on perd, l’on dira « c’était prévisible, c’est donc logique ». Mais lorsque ceux qui se croient trop forts vont perdre par notre désobéissance, ils s’en mordront les doigts. Si en 2010, Gbagbo avait obtenu le soutien ferme de l’UDPCI au second tour, il gagnait les élections et Paul N’dré n’aurait pas eu à se donner tant de mal.

Dans une élection présidentielle l’UDPCI n’a donc rien à perdre, elle a tout à gagner et nos alliés devraient s’en rendre compte. En 2020, la candidature unique se décidera selon le critère du « meilleur » annoncé par le Président Ouattara si la coalition demeure en l’état actuel. Et nous devons crânement défendre notre représentativité et notre avenir dans le RHDP. Nous, dont dépend le succès ou l’échec de notre groupement politique à une élection présidentielle. Surtout qu’en 2020, soyons en sûrs, le procès de Gbagbo et des autres hommes politiques sera terminé et l’horizon politique sera dégagé. L’union sacrée de la gauche (opposition) sera plus que possible. Ouattara et Bédié n’auront plus la même prestance qu’actuellement, le succès du RHDP dépendra alors de la saine appréciation de la réalité. Et si des gens veulent compter sur autres choses que la transparence des urnes, là, la prophétie de Koné Malachie se réalisera. Nous connaitrons pire qu’en 2010.

Notre bel avenir, dont tous les militants n’ont peut-être pas tout à fait conscience, ne peut être floué par un homme, fut-il le Président du parti.

                  Alerte

Au regard de ce qui précède, j’en appelle à un réglage immédiat au sein de notre valeureux parti. C’est pourquoi, j’engage tous les membres des instances  (Direction, Bureau Politique, Comité Central, Conférence des coordinateurs etc.) à s’approprier ma lettre et à ouvrir le débat sur les questions posées avec le Président. Les termes du nouveau contrat de confiance doivent être clairement définis. Notre survie en dépend. Le poste de Président de l’UDPCI n’est pas la propriété d’un individu et personne n’est indispensable. Le Président doit clarifier sa position et son engagement militant et non rechercher un positionnement personnel à tout prix et en toutes circonstances comme c’est le cas actuellement. Il a abandonné son premier amour.

Monsieur le Président, vous avez pris le pouvoir en 2005 par une révolution de la base, mais aujourd’hui, vous êtes devenu allergique à la contradiction et aux souhaits du plus grand nombre. Comme échappatoire à la banqueroute de votre gestion, vous envisagez maintenant parler au nom du grand-ouest, ambition personnelle légitime ayant pour effet de vous donner de la consistance au RHDP après avoir « écorché » le PDCI par votre auto-proclamation, alors même que vous êtes en train de mettre l’UDPCI en faillite idéologique, politique et structurelle.

                        VAZI-BI  Zah Hyppolite Théodore

                        Militant

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